Dans les coulisses de la restauration de films

À l’ère du tout numérique, on pourrait croire que la pellicule est un vestige du passé. Pourtant, le 35 mm n’a pas dit son dernier mot. De plus en plus de cinéastes choisissent encore ce support pour tourner leurs films. Pourquoi ? Parce que la pellicule, c’est une matière vivante, un rendu unique, et surtout tout un savoir-faire. 

Dans sa chronique du 8 juin 2025, Virginie Gagnon s’est plongée dans cet univers fascinant aux côtés de l’équipe passionnée d’Éléphant : mémoire du cinéma québécois, un département de MELS, où la pellicule est reine, qu’il s’agisse de création ou de restauration.

Pourquoi encore tourner en pellicule aujourd’hui ?

Même si le numérique domine, plusieurs réalisateurs, comme Quentin Tarantino ou Christopher Nolan, continuent de jurer par la pellicule. Le grain, la profondeur et la texture. Autant de raisons qui motivent ce choix artistique. Et pour que ces films voient le jour ou retrouvent une seconde vie, un savoir-faire artisanal est nécessaire à chaque étape du processus.

Le dernier laboratoire photochimique au Canada

Le laboratoire de MELS, ouvert en 2001, est aujourd’hui le dernier laboratoire photochimique professionnel au pays. Sur place, un chimiste supervise avec précision chaque mélange utilisé pour traiter les pellicules, selon des standards rigoureux. Un espace à la frontière de l’art et de la science, où l’on développe la pellicule comme on développerait une photo argentique.

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Réhydrater la mémoire : le rôle crucial de l’humidité

Les vieilles pellicules, notamment celles des années 50 à 70, ont souvent été mal conservées. Avant toute restauration, elles doivent passer par une étape de réhydratation. Dans un cubicule spécialisé, elles sont plongées dans une solution saline, avec des taux d’humidité strictement contrôlés.

Ce processus peut durer plusieurs semaines, voire des mois, avant même d’être inspecté image par image.

Inspection minutieuse et numérisation

Chaque bobine est ensuite inspectée sur table lumineuse, image par image. L’équipe vérifie la flexibilité du film, repère les déchirures ou les perforations manquantes. Une fois cette étape franchie, le film est monté sur un numériseur haute définition.

La pellicule devient alors un fichier numérique, prêt pour la colorisation, la restauration et le montage.

De Kamouraska à Cannes : la portée internationale du savoir-faire québécois

Parmi les films restaurés récemment : 

  • Kamouraska (1973) de Claude Jutra 
  • La Forteresse (1947) de Fedor Ozep 
  • Tiens-toi bien après les oreilles à papa (1971) de Jean Bissonnette  

Mais l’expertise d’Éléphant dépasse les frontières. Des productions internationales comme Splitsville, tournée à Montréal, ont choisi MELS pour leur traitement photochimique. Le film a même été mentionné à Cannes par ses producteurs lors d’un panel !

Quand décide-t-on de restaurer un film ?

Le critère principal pour qu’un film soit restauré dans le cadre du projet Éléphant : avoir au moins 20 ans. Mais ce seuil reste flexible. L’objectif est de redonner vie à des œuvres parfois oubliées, qui font partie intégrante du patrimoine culturel.

La pellicule, un art vivant

Derrière chaque film restauré ou tourné en pellicule, il y a un ballet de gestes précis, de passion et de science. Ce travail invisible donne une seconde vie à des chefs-d’œuvre, tout en perpétuant un savoir-faire précieux.

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