Éléonore Lagacé: la fièvre de la scène

Amélie Hubert-Rouleau

2025-04-30T13:00:00Z

En repensant à ma rencontre avec Éléonore, dans un petit café de Notre-Dame-de-Grâce — le quartier qui l'a vue grandir et où elle habite à nouveau depuis quelques années —, deux choses me reviennent en tête : son grand sourire franc et la passion avec laquelle elle m’a parlé de musique et de son métier.

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On sent que chez la pétillante chanteuse, comédienne et animatrice, se produire devant public est aussi naturel que de respirer. «Ce que j'aime de la comédie musicale, c'est que quand les personnages chantent, c'est parce qu'ils ont un trop-plein d'émotions. C'est exactement ce que je fais avec ma vie, m’a-t-elle d’ailleurs dit pendant notre entretien. Quand j'ai un trop plein d'émotions, ça sort en chansons. Après ça, on passe à autre chose.»

Quand je lui ai demandé l’effet que ça lui avait fait de se faire proposer de faire la couverture du Clin d’œil, elle n’a pu retenir un petit cri d’enthousiasme. «Je suis honorée, lance-t-elle. Je suis reconnaissante qu'on me laisse cette place-là. Je trouve que je la mérite et je suis vraiment contente!»

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La messe pop

On ne peut que lui donner raison; la jeune femme a travaillé très fort ces dernières années pour gagner sa place au soleil. En plus de se rendre en finale à la saison 2 de Big Brother Célébrités (2022), elle a participé à de nombreuses comédies musicales – dont Grease (2015-2016), Footloose (2017-2018) et Hair (2023) –, et a aussi remporté la finale de l’émission Zénith à l’hiver 2023. Elle a également lancé un minialbum de chansons originales en avril 2023.

Au moment où on s’est rencontré, Éléonore surfait encore sur la vague d’amour reçue quelques jours auparavant, lors du lancement de son premier album long, Brûlez-moi vive. Ce spectacle, fruit de nombreuses heures de travail, est le premier qui représente véritablement sa vision artistique. «C'est un show sans restriction», dit-elle, avec danseurs et plusieurs changements de costumes. Elle a intitulé le tout Brûlez-moi vive, la messe pop.

«La messe, ça m'a inspirée, parce que j'ai été grandement influencée par la musique classique; mes deux parents étaient musiciens classiques. Ça transparaît dans mes compositions», explique-t-elle. Si l’artiste se dit non croyante, elle apprécie l’aspect rassembleur de ce rituel religieux. «C'est l'essence de la célébration que j'ai prise dans la messe. J'ai voulu faire une espèce d'ode à la liberté dans ce spectacle-là, avec des références bibliques modifiées à ma sauce, en transformant le “Je vous salue Marie” en “Je vous salue chérie”, et en en faisant une sorte d'ode à la femme.»

Taire la petite voix

Ce spectacle ambitieux s’est d’ailleurs tenu le jour même de la sortie en kiosque de Brûlez-moi vive. Contrairement au fait de performer des succès intemporels comme Bohemian Rhapsody ou All By Myself, offrir ses propres compositions au grand jour est plutôt effrayant, confie Éléonore. L’artiste, qui se décrit comme étant «accro» aux applaudissements, redoute le fait de présenter ses chansons originales à un public qui ne les connaît pas déjà. «C'est un effort de plus à faire avec les spectateurs. Il faut réussir à les charmer avec ce que tu es, et non avec le succès des autres.»

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Pour monter sur scène et partager ses chansons avec des gens qui ne les connaissent pas déjà, Éléonore doit donc par moment taire la petite voix en elle qui tente de la tirer vers le bas. «Vous dire le nombre de pensées intrusives qui traversent mon cerveau quand je vais sur scène... Lou-Adriane [Cassidy] en parle dans une chanson de son nouvel album, remarque-t-elle. C'est comme si tu avais une dent qui pourrissait au fond de ta bouche, qui te faisait dire des choses pas fines sur toi-même.» Celle qui est la première à s’extasier devant le courage d’un artiste qui monte sur scène pour nous entraîner dans son univers, admet qu’elle a de la difficulté à ne pas se laisser hanter par ce genre de pensées négatives avant une performance.

La vie comme elle se l’imagine

La création de Brûlez-moi vive s’ancre dans une période plus tourmentée de la vingtaine d’Éléonore. À la sortie de Big Brother Célébrités, elle arrive à l’âge de 25 ans et fait face à une constatation: le temps passe et ne reviendra plus. La musicienne et danseuse, pourtant active au sein de la scène culturelle depuis plusieurs années, n’avait pas encore réalisé son projet de créer un album complet à son image. «Je me suis dit : “Oh, mon Dieu, si je ne fais pas mes affaires, personne ne va le faire à ma place! Il faut que je me botte le cul!” C'est comme si j'avais enfin allumé qu'il fallait se bouger.»

Elle façonne donc ce premier album avec beaucoup de soin et se tourne tout naturellement vers la musique pop. «Je trouve que la pop, c'est assumé et très inclusif. “Populaire”, ça inclut tout le monde. J'haïs l'exclusion. J'aime tellement le partage, signale-t-elle. Je veux que les gens qui écoutent ma musique puissent la comprendre; je veux qu'elle soit accessible à tous.»

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La vingtenaire a déjà utilisé l’expression «pop de fin du monde» pour décrire sa musique. Cette appellation m’intriguait. «Je pense que dans mon cœur, au moment où j'ai écrit ces chansons-là, je sentais une certaine fin du monde par rapport au sujet dont il est question dans ces pièces. Une urgence, précise-t-elle. Poussière d'étoiles, par exemple, raconte le moment où j'ai réalisé que le temps passe, et à quel point ça m'a complètement choquée.» La chanteuse a aussi vécu à la fois une rupture et un amour naissant pendant la création de l’album. Le tout a donc teinté son écriture. «C'était beaucoup de feux à éteindre en même temps; des feux qui me consumaient de tout mon intérieur, de tout mon être. Ça m'a fait du bien d'écrire cet album. Je vais très bien aujourd'hui», affirme-t-elle en souriant.

En écoutant l’album, je me suis bien amusée à en admirer sa pochette. Savoureusement kitsch, on y retrouve une guitare géante, un éclair, une énorme lune, Rita – le chien d’Éléonore –, une chute d’eau, une licorne; vous voyez le genre... Il y a tellement d’éléments rassemblés sur une même image qu’on se dit que le tout est forcément intentionnel. «C'est mon sens de l'humour, dit-elle en riant à propos de cette pochette. J'aime les Barbies et les Polly Pocket. J'aime les choses intenses, la force de la nature, les astres, l'énergie, les choses colorées, les mondes imaginaires et les licornes. J'aime vivre dans un univers parallèle.»

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À mon sens, Brûlez-moi vive fonctionne aussi comme une sorte d’univers parallèle: c'est un bouquet de chansons aux influences variées, de la pop des années 1980 à 2000, en passant par le côté épique des comédies musicales. «C'est ça qui est beau de la musique et de l'art en général. C’est qu’on a le droit de créer la vie comme on se l'imagine. J'aime être plusieurs choses en même temps. Je pense qu'on a tous le droit de faire plein de choses, d'être plusieurs personnes à la fois.»

Léo la pop star

Avec beaucoup d’autodérision, Éléonore note en riant que son style personnel, dans la vie de tous les jours, est pratiquement «inexistant». Le jour de notre entretien, elle est arrivée au café habillée en «pyjama», selon ses dires, c’est-à-dire vêtue d’un crewneck en tie-dye rose, de pantalons roses («même pas le même rose», me souligne-t-elle), des bas du Canadien de Montréal aux pieds. Elle affirme ne pas trop avoir le temps de se soucier de son apparence dans son quotidien. Mais sur scène, lorsqu’elle entre dans la peau de Léo, son personnage de pop star, elle adore mettre le paquet. «Pour moi, ça vient vraiment avec le côté alter ego de pop star, ce goût de faire un effort et de porter des vêtements glam et flyées. Sinon, dans ma vie de tous les jours, je suis comme une bonne femme en camping. Ça n'a pas de bon sens! (rires)»

Monter sur scène lui permet donc d’être ces différentes personnes à la fois. Éléonore a grandi en côtoyant, au sous-sol de chez elle, le costumier de sa mère, dans lequel elle fouillait, enfant, avec sa petite sœur Ariane. Celui-ci rassemblait les nombreux costumes portés par sa mère, la chanteuse d’opéra Natalie Choquette, lors de ses spectacles; perruques, robes, capes, chaussures, etc. Un beau terrain de jeux pour la future pop star! Elle s’est elle-même fait costumer par sa mère lorsqu’elle participait à ses spectacles. «Pour moi, performer, ç'a toujours impliqué de se costumer. Je suis habituée à porter des perruques depuis que je fais de la comédie musicale. Je ne sais même pas comment me coiffer, comme tu peux le voir!», s’écrit-elle en riant, effleurant son chignon décontracté. «J'aime que ça look grand. J'aime le mouvement des cheveux. Ça me donne aussi la force d'être capable de me prendre un peu au sérieux sur scène. Mais en me rencontrant aujourd'hui, tu peux voir que je suis une personne qui ne se prend pas trop au sérieux! (rires)»

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Natalie et Gaga

Deux personnalités s’imposent lorsqu’on discute des gens qui ont impacté le cheminement artistique d’Éléonore : sa mère, Natalie, et Lady Gaga.

Sa mère, Natalie Choquette, une chanteuse d’opéra estimée, a en effet exercé – et continue de le faire – une influence durable sur la vie et la carrière d’Éléonore. Elle dit notamment admirer son côté féministe. «Ma mère est un grand exemple féministe, mais sans nécessairement partir au front; un peu comme Dolly Parton, souligne-t-elle. C'est une femme qui a toujours voulu faire à sa tête. Elle a dicté sa propre vie avec ses propres créations.» Natalie a aussi incarné 1001 personnages dans ses spectacles. «Elle a grandi à travers le monde. Elle utilise beaucoup l'humour. Elle a rendu l'opéra accessible à tout le monde», rapporte-t-elle, de l’admiration plein la voix.

Lady Gaga, quant à elle, représente le premier grand contact d'Éléonore avec la pop. C’est lorsqu’elle voit le clip Just Dance, à l’âge de 11 ans, qu’elle a un coup de foudre pour ce genre musical. «Ce qu’il y avait de plus pop chez nous, c'était les Beatles, observe-t-elle. Lady Gaga représente aussi la figure par excellence de l’inclusion.»

«Puisque j'ai subi de l'intimidation lorsque j’étais plus jeune, la musique de Lady Gaga m'a aidée à m'accepter et à ne pas nécessairement me conformer à ce que les autres voulaient que je sois.» En écoutant la musique de Gaga, l’artiste s’est éventuellement rendu compte qu’il s’agissait simplement pour elle de trouver sa communauté. C’est lorsqu’Éléonore a participé, adolescente, à des camps musicaux qu’elle a trouvé sa place, car elle y a rencontré plein d'autres musiciens de son âge.

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Elle a d’ailleurs récemment constaté qu’elle voyait des parallèles entre sa mère et Lady Gaga. Pour elle, Natalie est un peu comme Gaga, entremêlant touches d’humour et costumes dans ses performances. «Le genre de je-m’en-foutisme et de liberté qui émane de ces deux femmes-là, quand elles sont sur scène et dans leurs créations, c'est ma plus récente révélation.»

L’amitié au féminin

C’est justement lorsqu’elle fréquentait un camp musical, à l’âge de 16 ans, qu’Éléonore rencontre Anne-Sophie Gaudet – à cette époque sa monitrice –, qui devient sa meilleure amie, son «âme sœur» créative, et sa styliste et directrice artistique. Ç’a été un coup de foudre d’amitié pour les deux jeunes femmes. «Déjà, on créait. Je lui ai parlé de mon rêve d'être une pop star, de faire des chansons et des vidéoclips», raconte-t-elle. Leur amitié a évolué en une collaboration naturelle et féconde. «On est vraiment connectées par l’art, poursuit-elle. Elle n'est pas styliste dans la vie, mais elle le fait pour moi, parce que je lui laisse aussi l'espace pour créer de son bord. Je trouve que l'art est fait pour être partagé et j'ai la chance qu'on ait la même vision, elle et moi.»

Les amitiés féminines d’Éléonore ont par ailleurs pris une place grandissante dans sa vie, ces dernières années. Parmi ses amies proches, on compte notamment Claudia Bouvette, qu’elle décrit comme sa «sœur de cœur». À part pour Anne-Sophie, elle affirme que d’avoir des «amies de fille» dans sa vie est plutôt récent; ado, elle traînait surtout avec les garçons. Elle dit avoir l’impression que la société dans laquelle on vit s’acharne souvent à monter les femmes les unes contre les autres. «Justement, c’est en écoutant des œuvres comme Ariane de Lou-Adriane Cassidy, qui parle de ces enjeux, que l’on constate qu’on a tous été brainwashées de la même façon. Au contraire, on doit toutes s’allier, plaide-t-elle avec conviction. La vie est tellement douce et plus le fun, avec des “chums de filles”», chante-t-elle en imitant l’emblématique chanson de Marie-Chantal Toupin.

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Des talents à découvrir

Éléonore s’allie aussi au talent de designers de la relève dans le cadre de son travail avec le Collège LaSalle. En plus d’avoir pu fouiller avec sa styliste dans les archives du Collège pour créer des looks pour ses participations à Zénith, l’artiste est porte-parole du Défilé Signature du Collège, qui aura lieu le 13 mai prochain. Pourquoi est-ce important pour elle d’y contribuer? «Je suis moi-même de la relève et je crée aussi. Ce n’est pas parce que notre renommée n'est pas mondiale qu'on n'a pas de talent. Je veux toujours braquer les projecteurs sur les personnes à découvrir, parce qu’elles sont tellement inspirantes à voir... Ce sont des mines d'or de talent, ces étudiants-là!» Selon la musicienne, ces designers sont aussi créatifs que peuvent l’être ceux des grandes maisons de renommée internationale. De plus, elle se reconnaît dans leur fantaisie. «Ça me ressemble, ce qu'ils font, parce que c'est flyé. L'art, c'est fait pour provoquer des réactions. Je trouve qu'il n'y a rien de plus insultant que quelqu'un qui est indifférent à ce que tu fais. En mode, si les gens ont vécu une émotion en voyant ce que je portais, ça veut dire que j'ai réussi.»

Traverser le temps

Avec la création et la sortie de son premier album, on sent qu’Éléonore a grandi et qu'elle a beaucoup appris sur elle-même. «Ce sont mes grands tourments existentiels, ces chansons-là. C’est l’affirmation de qui je suis», dit-elle en toute honnêteté. Si, en créant ce premier album solo, elle a réalisé le caractère inéluctable du temps qui passe, l’artiste sait apprécier le chemin parcouru et les apprentissages qu’elle continue de faire au quotidien. «La beauté du fait de traverser la vie, c'est d'apprendre à se connaître davantage de jour en jour. C'est ma chose préférée, traverser le temps. Je préfère dire “traverser le temps” que “vieillir”; je ne veux pas que ce mot soit mal perçu. Un enfant vieillit autant qu’on vieillit, toi et moi. On traverse tous la vie.»

«Ça fait tellement de bien de prendre possession de ses moyens, de se connaître et d’avoir moins peur de dire non, ajoute-t-elle. Ma mère disait: “quand tu seras plus vieille, tu comprendras.” Et elle avait raison! Je commence à catcher des affaires. Je me rends compte que le temps passe de plus en plus vite et qu'on n'est jamais capable de le rattraper...»

En nous transportant avec passion dans son univers créatif plus grand que nature, Éléonore réussit à nous faire oublier le temps qui s’égrène. «La seule chose qu'on peut vraiment faire pendant qu'on est sur cette Terre, c'est envoyer de l'amour à ceux qui nous entourent. Plus je donne de l'amour, plus que je me sens bien», dit-elle, et on la croit!

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